Mais il y a autre chose, a quoi on ne pense guere, que j'ai effleure, cha- touille, de temps en temps, mais a vrai dire, cela me concernait assez pour qu'il ne me soit pas commode d'en parler aisement. Cela s'appelle la citation. En quoi consiste la citation ? Au cours d'un texte ou vous vous avancez plus ou moins bien, si vous etes comme cela dans les bons endroits de la lutte sociale, tout d'un coup vous citez Marx, et vous ajoutez - Marx a dit. Si vous etes analyste, vous citez Freud, et vous mettez - Freud a dit - c'est capital. L'enigme, c'est l'enonciation - et debrouillez-vous pour l'enonce. La citation, c'est -je pose l'enonce, et pour le reste, c'est le solide appui que vous trouvez dans le nom de l'auteur dont je vous remets la charge. C'est tres bien ainsi, et cela n'a rien a faire avec le statut plus ou moins branlant de la fonction de l'auteur. Quand on cite Marx ou Freud - ce n'est pas au hasard que j'ai choisi ces deux noms -, c'est en fonction de la part prise a un discours par le lecteur suppose. A sa facon, la citation est aussi un mi-dire. C'est un enonce dont on vous indique qu'il n'est recevable que pour autant que vous participez deja a un certain discours, structure, du niveau des struc- tures fondamentales qui sont la au tableau. C'est la le seul point - pouvais-je l'expliquer jusqu'a present ? - qui fait que la citation, le fait que l'on cite ou non un auteur, peut avoir, au second degre, une importance. Je vais vous le faire comprendre et j'espere que vous ne prendrez pas cela mal, parce que c'est un exemple familier. Supposez qu'au second temps, on cite une phrase en l'indiquant de la ou elle est, du nom de l'auteur, M. Ricoeur par exemple. Supposez qu'on cite la meme, et qu'on la mette sous mon nom. Cela ne peut abso- lument pas avoir le meme sens dans les deux cas. J'espere vous faire sentir par la ce qu'il en est de ce que j'appelle la citation. Eh bien, ces deux registres, en tant qu'ils participent du mi-dire, voila qui donne le medium - et, si l'on peut dire, le titre - sous lequel intervient l'interpretation. L'interpretation - ceux qui en usent s'en apercoivent - est souvent etablie par enigme. Enigme autant que possible cueillie dans la trame du discours du psychanalysant, et que vous, l'interprete, ne pouvez nulle- ment completer de vous-meme, que vous ne pouvez pas considerer 40