m'etre reproche d'avoir souligne, en des termes que j'ai pourtant choisis avec attention -j'avais pourtant bien pris soin de dire que l'ethique de Freud dans le Malaise dans la civilisation etait humanitaire, ce qui n'est pas precisement dire qu'il fut un reactionnaire -, d'avoir souligne que Freud n'etait pas progressiste. Cette remarque, encore que l'on ne m'en conteste pas a proprement parler la pertinence, a paru a certains dangereuse a accentuer. Je suis surpris que pareille chose ait pu m'etre dite, et precisement dans la perspective, orientee politiquement, d'ou elle m'a ete amenee. A ceux qui peuvent pareillement avoir ete surpris, je voudrais les inciter - chose qui n'est jamais inutile pour controler les mouvements de la sensibilite - a s'informer d'une facon peut-etre un peu precise, par la lecture de certains textes courts. J'en ai amene un. J'ai amene le volume premier des Oeuvres philoso- phiques de Karl Marx, traduites par Molitor, et publiees chez Alfred Coste. Je conseille a ceux-ci de lire par exemple la Contribution a la critique de la philosophie du droit de Hegel, ou bien simplement ce curieux petit ouvrage qui s'appelle la Question juive. Peut-etre y prendront-ils une notion plus pertinente de ce que Marx penserait a notre epoque de ce que l'on appelle le progressisme, je veux dire un certain style d'ideologie genereuse fort repandu, disons-le, dans notre bourgeoisie. La facon dont Marx l'apprecierait apparaitra a tous ceux qui voudront se rapporter a cette source, bonne et saine mesure d'une certaine honnetete intellectuelle. De sorte qu'en disant que Freud n'etait pas progressiste, je ne voulais pas du tout dire, par exemple, qu'il n'etait pas interesse par l'experience marxiste. Mais enfin, c'est un fait , Freud n'etait pas progressiste. Ce n'etait aucunement une imputation politique le concernant - seulement il ne participait pas a certains types de prejuges bourgeois. Ceci dit, il est un autre fait, c'est que Freud n'etait pas marxiste. Cela, je ne l'ai pas souligne, parce qu'a la verite, je n'en vois pas l'interet ni la portee. Je reserve a plus tard de montrer quel peut etre l'interet pour un marxiste de la dimension ouverte par Freud. Ce point sera beaucoup plus difficile a introduire, puisque, jusqu'a present, on ne semble pas s'etre beaucoup apercu du cote marxiste - si tant est qu'il y en ait encore, des marxistes - du sens dans lequel s'articule l'experience indiquee par Freud. Marx prend le relais d'une pensee qui aboutit a cet ouvrage qui a fait l'objet de ses remarques les plus pertinentes, a savoir la Philosophie du droit de Hegel, ou s'articule quelque chose dont nous ne sommes pas sortis que je sache, a savoir les fondements de l'Etat, de l'Etat 246