Si vous me permettez, je voulais commencer par un aphorisme. Vous allez voir pourquoi j'y ai recule. J'ai recule comme d'habitude, mais heu- reusement, je l'ai fait avant midi trente et une qu'il est, de facon a ne pas retarder cette fois la fin de notre rencontre. Si je commencais comme j'en ai toujours envie, ce serait de facon abrupte. C'est parce que j'en ai envie que je ne le fais pas, je vous apprivoise, je vous evite les chocs. Je voulais commencer par un aphorisme qui, j'espere, va vous frapper par son evi- dence, parce que c'est bien a cause de ca que Freud s'est impose malgre les protestations qui ont accueilli son entree dans le monde du commerce des idees. Ce qui s'est impose, c'est que - Freud ne deconne pas. C'est ce qui a impose cette sorte de preseance qu'il a a notre epoque. C'est probablement ca aussi qui fait qu'il y en a un autre dont on sait que, malgre tout, il survit assez bien. L'un et l'autre, Freud et Marx, ce qui les caracterise, c'est qu'ils ne deconnent pas. Cela se remarque a ceci - a les contredire, on risque toujours de glisser, on glisse assez bien, dans le deconner. Ils desordonnent le dis- cours de ceux qui veulent les accrocher. Ils le figent tres frequemment en une sorte de recursion academique conformiste, retardataire, irreducti- blement. Plut au Ciel que ces contradicteurs, si j'ose dire, deconnassent. Ils don- neraient ses suites a Freud, ils seraient dans un certain ordre, celui de ce dont il est question. On se demande apres tout pourquoi on qualifie de temps en temps Untel ou Untel de con. Est-ce si devalorisant ? N'avez- vous pas remarque que, quand on dit que quelqu'un est un con, cela veut plutot dire qu'il est un pas-si-con ? Ce qui deprime, c'est qu'on ne sait pas tres bien en quoi il a affaire a la jouissance. Et c'est pour cette raison qu'on l'appelle comme ca. C'est aussi ce qui fait le merite du discours de Freud. Lui est a la hau- teur. Il est a la hauteur d'un discours qui se tient aussi pres qu'il est pos- sible de ce qui se rapporte a la jouissance - aussi pres qu'il est possible jusqu'a lui. Ce n'est pas commode. Ce n'est pas commode de se situer en ce point ou le discours emerge, voire, quand il y retourne, achoppe, aux environs de la jouissance. Evidemment, la-dessus Freud parfois se derobe, nous abandonne. Il abandonne la question autour de la jouissance feminine. Aux dernieres nouvelles, M. Gillespie, personnage eminent a s'etre distingue par toutes 81