n'y a pas a chercher l'histoire, il vient ceci, que le signifiant ne se pose que de n'avoir aucun rapport avec le signifie. Les termes dont on use la sont toujours eux-memes glissants. Un linguiste aussi pertinent qu'a pu l'etre Ferdinand de Saussure parle d'arbitraire. C'est la glissement, glissement dans un autre discours, celui du maitre pour l'appe- ler par son nom. L'arbitraire n'est pas ce qui convient. Quand nous developpons un discours, nous devons toujours tenter, si nous voulons rester dans son champ et ne pas rechuter dans un autre, de lui donner sa consistance et n'en sortir qu'a bon escient. Cette vigilance est d'autant plus necessaire quand il s'agit de ce qu'est un discours. Dire que le signifiant est arbitraire n'a pas la meme portee que dire simplement qu'il n'a pas de rapport avec son effet de signifie, car c'est glisser dans une autre reference. Le mot reference en l'occasion ne peut se situer que de ce que constitue comme lien le discours. Le signifiant comme tel ne se refere a rien si ce n'est a un discours, c'est-a-dire a un mode de fonctionnement, a une utilisation du langage comme lien. Encore faut-il preciser a cette occasion ce que veut dire ce lien. Le lien - nous ne pouvons qu'y passer immediatement - c'est un lien entre ceux qui parlent. Vous voyez tout de suite ou nous allons - ceux qui parlent, bien sur, ce n'est pas n'importe qui, ce sont des etres, que nous sommes habitues a qualifier de vivants, et peut-etre est-il tres difficile d'exclure de ceux qui parlent la dimension de la vie. Mais nous nous apercevons aussitot que cette dimension fait entrer en meme temps celle de la mort, et qu'il en resulte une radicale ambiguite signifiante. La fonction d'ou seulement la vie peut se definir, a savoir la reproduction d'un corps, ne peut elle-meme s'intituler ni de la vie, ni de la mort, puisque, comme telle, en tant que sexuee, elle comporte les deux, vie et mort. Deja, rien qu'a nous avancer dans le courant du discours analytique, nous avons fait ce saut qui s'appelle conception du monde, et qui doit pourtant etre pour nous ce qu'il y a de plus comique. Le terme de conception du monde suppose un tout autre discours que le notre, celui de la philosophie. Rien n'est moins assure, si l'on sort du discours philosophique, que l'existence d'un monde. Il n'y a qu'occasion de sourire quand on entend avancer du discours analytique qu'il comporte quelque chose de l'ordre d'une telle conception. Je dirai meme plus - qu'on avance un tel terme pour designer le marxisme fait egalement sourire. Le marxisme ne me semble pas pouvoir passer pour conception du monde. Y est contraire, par toutes sortes de coordon- nees frappantes, l'enonce de ce que dit Marx. C'est autre chose, que j'appel- lerai un evangile. C'est l'annonce que l'histoire instaure une autre dimension de discours, et ouvre la possibilite de subvertir completement la fonction 32